concorde

Jardin des Tuileries. Il est 18h. Je sors du musée de l’Orangerie. Je m’approche des bancs face à l’Obélisque. Finalement je ne m’assieds pas, je les dépasse et avance vers la balustrade. Je surplombe la place de la Concorde, pour le spectacle je suis « balcon ». J’écoute le roulis des pneus sur les pavés. Des frappes, claquements et roulements lancinants nuancés de plages d’apaisement, rythmes « transe » inlassables vallonnés d’autorisation tricolore. Ce que l’asphalte ne permet plus s’impacte avec le pavé ; le rythme frénétique dense et violent à mesure de multitude et de vitesse. J’écoute.

18h15. Le Travail dégueule les restes de sa ponction quotidienne. Une déferlante métallique multicolore envahit l’espace. Une bataille récurrente et commune s’annonce dans le bourdonnement mécanique. Un premier essaim de capsules averties traverse rapidement le champs de bataille avant que les troupes en renfort annihilent tout désir à la promptitude, et entame cette danse d’une lenteur contrariée, où nos participantes involontaires formeront une ronde bigarrée et alternante.

La percussion laisse la place aux cuivres des klaxons. Quelques montées en régime grognent leurs impatiences. L’intimidation mécanique laisse place parfois aux injures et invectives digitales, il s’agit désormais de gagner le contrepoids d’une nécessité, de disposer au mieux de la part diurne résiduelle ; éreintés, ils se disputent cet espace temps d’inutilité à propriété belliqueuse. Tous ont une bonne raison à l’empressement : de la Madeleine, de Rivoli, des Champs Élysées, les véhicules s’amoncellent ; tous jouent le temps à l’espace : les cubes se caressent, se frottent, s’ajustent… s’intimident ; tous ont une volonté de gagner la minute au centimètre : ils s’excitent, gigotent, gesticulent, vocifèrent. Le blocage est inévitable. Les trompettes pneumatiques sonnent alors le désespoir. Chaque unité tente d’exprimer sa dissonance parmi le troupeau. Les cris plaintifs de la défaite achèvent le spectacle.

Itératives mêlées de couleurs et d’arrogance, de tôle et d’abandon : combattantes sisyphéennes qui s’échinent contre un temps prétendu intermédiaire. Jusqu’à quel point ce deuxième temps appartient au premier ?

Automobilistes, ne quittez plus vos véhicules ! Le monde me semble si cohérent à 18h15, place de la Concorde.

Sardines, je vous aime.