Il neige cette année.

Ce fut une surprise encore cette année : nous sommes le 01 décembre, il neige.

Si ce matin vous avez accueilli cette nouvelle avec la même insouciance qu’une pluie printanière, vous n’échapperez pas aux commentaires ahuris des journalistes, à votre voisine octogénaire à la mémoire fragile trouvant cet hiver impatient, aux automobilistes râleurs contre tout et même le temps, aux météorologistes hyperactifs trop contents d’exister surjouant les cassandres.

A la même période de légers paltoquets au cortex amoindri remuent leur arrière-train dans un costume juste assez grand pour nettoyer le sol au passage de leurs maitres.

Je croise plus que de raison et de supportable ces malfaisants réarrangeant leurs propres fictions pour contrer leurs incapacités flagrantes : handicapés d’ambition, souvent ils parlent aussi fort qu’ils aimeraient en avoir, souvent ils s’accaparent celle des autres, la volent, la broient, la digèrent, la salissent.

Leurs mensonges sont connus. Ces faussaires in vivo ne dupent que les heureux perpétuels, pour les autres l’étouffement gradué à mesure de résignation consentie entrainera un lourd silence de frustration, car ces petits contremaitres d’un autre siècle jouissent souvent d’un début de pouvoir, ils asservissent leur premier cercle qui par désespoir, apathie, confort, intérêt, avidité, s’abandonnent.

De ces victimes de gré et de force les moins armés seront rassurés : dans ce contexte le champ des possibles leur est ouvert puisque même les crétins prennent l’ascenseur.  Pour les borgnes, la pitance contemporaine réclame tant qu’elle aura raison d’un reste de désir de bravoure impétueuse, relégué au rang du vague souvenir ridicule  pré pubère ; ils se traineront alors à l’arrière des caravanes, rêvant à leur tour en secret d’accéder aux fonctions de maitre kapo.

Pour nos mystificateurs la fiction auto-racontée prend plusieurs niveaux. Il ne s’agit pas de froids calculateurs – ceux-là sont au niveau supérieur et usent de ces tintinnabules incarnées -, mais plus d’opportunistes, de conjoncturistes empruntant l’autoroute laissée vacante par les ingénieurs panurgistes. Ceux qui m’intéressent sont aussi dangereux qu’ils sont contradictoires : petits poltrons à la vie boursouflée montrant les dents plus qu’ils ne mordentcar bien incapables du moindre combat. Il y a aussi les transitionnels d’existence en franchissement perpétuel pensant rattraper leur retard et sombrant dans une procrastination fangeuse asphyxiante. Enfin, les plus pitoyables ceux qui ont basculé et produisent une vie à laquelle ils ne participent pas.

Il y a quelques jours ces funambules avariés de la première catégorie se sont manifestés. D’anciens amnésiés aussi folkloriques qu’indigents, fanfarons que vulgaires, ridicules que lâches. Pour le plus velléitaire d’entre eux, après avoir dérogé à toutes les lois de la gravité, cette créature continue de flotter dans le nuage épais d’affirmations paranormales qui par sa constance irrationnelle force l’admiration.

Non ! La réponse fusait comme une fuite. D’aucuns m’incitaient à d’abord y regarder au poids sonnant et trébuchant. Non ! Comme une évidence. Non ! Ferme et affirmatif. Non ! Même si, stupéfait, incrédule, hébété, je me fis violence pour constater à nouveau l’influence de l’ostentation, même celle du vide.

Je m’étonne qu’il neige encore cette année.