Et que le cul te pèle !

« Bonjour mon petit ! » Malgré mes 10 cm de plus que lui, c’est la phrase que j’ai entendue plusieurs matins, en arrivant dans ta caverne, vieil ours. Avec le fond d’accent assez chantant, pour que j’y entende le soleil, même dans le point d’exclamation.

Par habitude, je­ démarrais la journée par un long monologue de révolutionnaire en chambre, tonitruant mon fiel, et toi tu écoutais, impassible. Et souvent, par habitude, tu riais de mes outrances.

Par habitude, évidemment, car avec quelques potes, énervés, tous à revendiquer des trucs et des machins, pestant inlassablement contre un monde pourri, des cyniques, des opposants, alors par habitude, tu nous laissais débiter notre torrent de boue, pour qu’enfin on passe aux choses sérieuses : aller boire un coup entre potes et raconter des conneries.

Les choses sérieuses, tonton ! Les copains. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais un pote qui vous rappelle les choses simples, le bon moment à partager, le petit bonheur de l’instant, qui, mine de rien, sans insister, vous murmure que vous êtes là, maintenant, en bonne compagnie, et qui en profite, ça vous ramène sur terre.

Tonton, un terrien. C’est ça, il vous laisse décoller, dériver assez loin, mais jamais trop, qu’il vous garde à l’œil. Et quand t’as fini de flotter, il te fait redescendre, parce que c’est l’heure de casser la croûte.

Un peu bourru le tonton, diraient les esthètes, un peu sommaire le tonton, diraient les précieux. La poésie, tonton il l’avait dans la poignée de main, dans l’accolade franche et sincère d’un homme qui t’aime, vraiment. Quand il te serre les épaules, il ne ment pas, jamais. Tu te sens bien, en sécurité. T’es chez toi.

Elle va manquer cette petite maison ; des bras comme ça, c’est un refuge pour les âmes errantes, un abri à gueules cassées, mais ça ressemblait aussi à la guinguette des trublions, au bar des séditieux, à la gargote des trous du cul, à la buvette des copains.

Aujourd’hui, dehors, il fait plus froid.

Salut tonton,

« Et que le cul te pèle ! »